© James Rosenquist / VAGA, New York / ADAGP,Paris. Courtesy Galerie Thaddaeus Ropac, Paris/Salzburg.
Une anecdote qui marqua durablement James Rosenquist et permet d'entrer dans la somptueuse exposition de la galerie Thaddaeus Ropac de Pantin (et Paris Marais) sous un angle inédit, de l'autre côté du rideau. Ce fait divers d'un météore frappant une propriétaire dans son lit nourrit l'imaginaire de l'artiste comme un symbole de bouleversements artistiques inattendus et féconds à venir. "The meteor series"(1996-99) exceptionnellement réunies dans ces espaces hors norme de Pantin nous invitent à rentrer au cœur du processus de création de ce géant du Pop art dont la complexité formelle et conceptuelle nous est révélée. Le météore transposé à différentes époques (des Impressionnistes à Pablo Picasso) lui permet de se positionner à l'aune des avant-gardes tout en mêlant techniques du collage et imagerie publicitaire. Des images trouvées, déformées et transposées dans une combinaison dont il a seul le secret. Comme une radiographie en profondeur de multiples messages sous-jacents face aux grands mythes du modernisme. Ainsi avec "Four Nuclear Women" dont le titre phonétiquement s'inscrit à double détente, sans doute le chef d'œuvre de l'ensemble par son ampleur et son impact immédiat délivre une mise en garde face à la menace nucléaire et aux nouvelles femmes au pouvoir de Thatcher à Indira Gandhi. Les techniques héritées de son passé de peinture de panneaux publicitaires lui permettent ces associations visuelles, ces fragmentations, ces distorsions proches du Surréalisme ou du dadaïsme. New York est de plus le terrain idéal pour l'éclosion dans les années 1960 de ces nouvelles écritures urbaines, cette "Junk culture" ou culture du jetable qui le fascine. Il développe alors la fameuse technique du "hachurage"pour dérouler un récit global d'une grande cohérence malgré la disparité de ses emprunts.
Autre épisode fondateur, l'incendie qui ravage son atelier et sa maison de Floride en 2009 et le conduit à une profonde révolution personnelle dont le tableau "Geometry of Time" est le témoignage. Un "titre rageur" comme il s'en explique, "un cri" qui devient "une immolation". L'énergie du désespoir et le feu qui consume pour mieux purifier.
L'expansion de l'univers, le défi de l'espace et la fuite du temps hantent les séries intitulées "Speed of Light" et "The Hole in the Centre of Time". De l'infini grand à l'infiniment petit, de l'atome au cerveau, des ondes aux planètes, le spectateur est aspiré par un tourbillon spatio-temporel à visée métaphysique. Comme un rêve hallucinatoire aux vertus thérapeutiques. D'où venons nous ? Où allons nous ? De même, les techniques des rayon X qui permettent des avancées scientifiques considérables apparaissent sous un angle mortifère presque inquiétant avec ces crânes qui rappellent notre finitude programmée.
Il faut constamment changer sa focale, se rapprocher ou au contraire reculer face à de telles visions, le mouvement du spectateur est implicitement suggéré. Comme si de la dissonance pouvait surgir la révélation pour un peu que l'on se donne le mal d'en décrypter les différentes strates. Une chose est sûre, une fois que l'on a complété cette redécouverte avec les collages préparatoires exposés dans l'espace du Marais (complément indispensable à la visite) le saisissement persiste devant une telle portée iconographique et politique et la somme de références qui se cache derrière chacune des œuvres.
"Four décades" a tout d'une exposition muséale avec ces 33 œuvres de provenance prestigieuse. Assurément dans le top 5 des expositions de cette rentrée et au-delà !
Un catalogue sera publié à l'occasion au moment de la Fiac.
Infos pratiques :
James Rosenquist
Four Decades 1970 -2010
galerie Thaddaeus Ropac Pantin
The Collages 1960-2010
galerie Thaddaeus Ropac, Paris le Marais