Les ritournelles de l'enfance au Palais de Tokyo

Chacun de nous porte en lui une part d'enfance, qu'il le veuille ou non, rite d'apprentissage merveilleux ou douloureux, épreuve initiatique ou féérie imaginaire, tel est le voyage que nous propose le Palais de Tokyo pour cette Saison estivale.

Mais ne vous fiez pas aux apparences, et si cette maison de poupée géante vous tend les bras dès la façade (signée Amabouz Taturo), la suite des aventures n'a rien d'une sinécure et le Wonderland d'Alice est truffé de pièges. 

L'exposition "Encore un jour banae pour le poisson-rêve" conçue par l'artiste Clément Cogitore avec la commissaire japonaise Kodama Kanazawa dans le cadre de la manifestation Japonismes 2018, renoue avec le dialogue amorcé autour des artisans d'art sous l'égide de la Fondation Bettencourt Schueller.

D'après le titre d'une nouvelle de Sallinger les 7 espaces à franchir agissent comme les paliers d'une énigme à résoudre. Et comme dans tous les mythes, différents oracles surgissent pour guider le visiteur ou le tester. Ainsi le léviathan ou les murs qui respirent, la porte de la désolation,le rideau de scène hanté, la chambre de la mélancolie ou l'horizon des chimères, nous préparent psychologiquement à ce qui va suivre, avec plus ou moins de succès d'ailleurs. Est-ce bien nécessaire ?

Clowns tristes d'Ugo Rondinone "Vocaburay of Solitude" (installation d'une grande mélancolie), abécédaire albanais de Petrit Halilaj enfant dans un pays envahi par le Korovo, vidéo de Sharon Lockhart (qui a représenté la Pologne à la Biennale de Venise) autour de la capacité des enfants de jouer même dans un contexte de grand dénuement ou large papier peint aux couleurs acidulées cachant de nombreuses étrangetés de Megan Rooney face à un Jean-Marie Appriou d'une redoutable traitrise. Et que dire des visages grimaçants des larges tapisseries de Caroline Achaintre, ou la vidéo de Rachel Rose véritable songe onirique où le héros reste non identifiable. Que le monde des enfants est sans cesse parasité par celui des adultes et leur cruauté et que le miroir est biaisé bien souvent par les soubresauts du monde. 

Quand au jardin d'Eden de Laure Prouvost ses poitrines fontaines nourrissent les plaies d'une nature exsangue, comme une ritournelle sans queue ni tête "Ring, sing and drink for trespassing" n'a rien d'une invitation joyeuse. Toutes ces excroissances libidineuses relèvent d'un Jheronimus Bosch dont elle semble partager le goût pour l'enfer et ses dédales. Nous voilà au parfum pour sa prochaine participation à la Biennale de Venise dans le Pavillon .. Français (et oui de temps à autre elle se souvient de sa patrie nourricière !)

Mention spéciale pour Bronwyn Katz qui à l'occasion de sa résidence Sam Art Projects a conçu cet ensemble d'installations et de sculptures à partir de ses impressions dans notre capitale et sa réflexion sur le territoire et l'ailleurs. A l'aide de résidus de matelas usagés elle plante un décor où il est question d'exclusion, de résistance, de mémoire agissante. Un geste éminemment politique d'une grande force visuelle.

Ne manquez pas également lors de votre visite de découvrir les lauréats Audi Talents 2017, dont Anne Horel (Salon de Montrouge 2011) et ses collages, gifs, hashtags.. et autres accessoires geeks. Séquence émotion également avec Eric Ming Cuong Castaing chorégraphe qui s'intéresse à la pratique amateur en partenariat avec des structures du champ social comme ces enfants atteints de handicap qu'il fait danser et performer. Même si je reste toujours sur ma réserve quant à ce genre d'initiative je dois dire avoir été marquée le soir du vernissage. Une initiative rare et exigeante. 

Infos pratiques :

Saison d'expositions ENFANCE

Palais de Tokyo

jusqu'au 9 septembre 2018

https://www.palaisdetokyo.com

Pause rafraichissante sur la terrasse aux Grands Verres, qui avec cette carte estivale marquent des points !