Nous avions rencontré Nathalie Ergino, directrice de l'IAC, en avril à l'occasion du projet de Maria-Thereza Alves et Jimmie Durham, cette fois c'est tout un précipité de 40 ans de vocation de ce centre d'art pionnier en France, qui est célébré tout l'automne !
Ainsi l'IAC réaffirme son statut de laboratoire unique, aux confins de l'expérimentation et de la recherche, suite aux mutations générées par l'Anthropocène. Dès lors prendre part à la chaine du vivant, s'inscrire dans la coexistence, dépasser la dualité en toute chose, telles sont les étapes prônées par Maurice Leenhardt, anthropologue à l'origine du terme "cosmomorphe" puis le philosophe Pierre Montebello (auteur des "métaphysiques cosmomorphes").
Katinka Bock (dans l'ensemble du musée) mais aussi Lawrence Weiner (affiches espace urbain "MOI+TOI& NOUS") ou Célia Gondol (Collection à l'étude) s'inscrivent naturellement dans ces enjeux disséminés dans le bâtiment de l'IAC et tout autour.
3ème volet du cycle Tomorrow’s Sculpture consacré à l’artiste par trois lieux d’exposition en Europe (le Mudam Luxembourg, le Kunst Museum Winterthur et l’IAC) se décline comme des variations à partir des interventions précédemment menées et l'altération qui en découle sur les matériaux. Soumis à des processus physiques poreux et des flux inhérents à chaque structure, le scénario est constamment rejoué dans des œuvres qui oscillent entre l'in situ et l'arte povera. Il est assez difficile de décrire chaque pièce qui s'inscrit dans un tout formant une chorégraphie silencieuse et sensible. L'horizontalité de la ville de Villeurbanne et la verticalité de certaines installations, l'intérieur de l'extérieur, le don le contre don, le naturel du toxique, autant d'enjeux qui traversent sa pratique, nourrie du passage du temps et des traces du corps des spectateurs, comme dans la 1ère salle où le visiteur est invité à marcher le soir du vernissage sur les dalles de terre crue, ensuite séchées et cuites à l'Ecole des Beaux arts de Lyon pour être réinstallées enfin à l'IAC.
Autre protocole spécifiquement pensé pour Villeurbanne, à partir de l'ensemble architectural emblématique, les Gratte-Ciels, projet utopiste des années 30 d'accès à tous au confort moderne, l'emprunt d'un radiateur domestique issu d'un appartement de l'URDLA qui, montrée dans l'espace de l'IAC, fait comme une transition entre le domestique et l'espace d'exposition. Une "warm sculpture" qui signe également un échange entre les 2 institutions de la ville.
La photographie fait son apparition dans le parcours, liées à son travail en atelier, elles témoignent également de la puissance du corps, de la peau, du geste.
Quant au végétal qu'il soit en l'état d'une vanité, comme avec ces citrons très présents ou ces cactus, plus maladifs, et emprisonnés dans le bronze, ils renvoient à "ce qui nous affecte, sans que ce soit un accident, un filtre qui laisse apercevoir ce qui s'est passé, à travers la peau" pour reprendre les propos de l'artiste qui compare volontiers l'ensemble à de "l'acupuncture dans l'espace".
Enfin, l'œuvre "Lion Balance" résume ce qui traverse la volonté de l'artiste, ce vase d'argile repmli d'eau en salle 5 et relié en salle 6 par une poulie, soumise au contre poids d'un poisson moulé en bronze. Ainsi au fil de l'exposition, l'eau, véritable catalyseur pour l'artiste, sous l'emprise de l'évaporation va déséquilibrer peu à peu l'axe initial.
Autant de phénomènes météorologiques et physiques qui agissent à l'instar de "tourments intérieurs" avec "Les affres" en dernière salle, où les nuages sont convoqués pour leur disposition changeante et instable. A la différence de la brume et du "smog" exploré précédemment au Mudam.
La boucle se referme et ouvre en même temps de nouveaux points de fuite, de nouvelles perspectives phénoménologiques et aériennes, poétiques et radicales, impermanentes et universelles.
Un catalogue monographique sera publié en janvier 2019 reprenant l'ensemble des 3 volets.
Egalement, Collection à l'étude,
Tous les deux ans, l’IAC expérimente sa collection in situ.
En parallèle au parcours organisé à Villeurbanne avec différentes structures culturelles, l’IAC présente en 2018 une sélection d’œuvres qui croise des acquisitions récentes avec des œuvres de la collection existante. Avec notamment le dé de soi monumental de Célia Gondol, découverte au Palais de Tokyo (programme des résidences de la fondation d'entreprise Hermès), Dove Allouche, Julien Discrit, Daniel Gustav Cramer, Richard Long.., qui tissent ces cosmogonies de l'invisible, ces phénomènes instables aussi imaginaires que spirituellement sacrés.
Du 27 septembre 2018 au 20 janvier 2019En partenariat avec sept institutions villeurbannaises : L’INSA, L’URDLA, L’ENM, La MLIS, Le Rize, Le TNP, Le Cinéma Le Zola
Invité d’honneur : Jean-Luc Parant
Avec les œuvres de la Collection IAC de : Daniel Challe, Ayse Erkmen, Walker Evans,
Jean-François Gavoty, Camille Llobet, Jean-Luc Parant, Franck Scurti