2. Quels sont vos objectifs pour la MEP ? et comment cela se traduit -il dans les espaces ?
Dès mon arrivée j'ai défendu l'ouverture de la MEP vers un public élargi. Le rôle de la photographie dans nos vies ayant évolué, étant devenu omniprésente dans notre quotidien, la MEP doit être le reflet de cette mutation. J'ai pensé selon une approche artistique à une sorte d'ouverture vers des publics plus jeunes et divers, pas uniquement initiés à la photographie mais amateurs d'art contemporain, de mode, de design, musique..La MEP doit s'inscrire dans cette diversité de pratiques et de scènes artistiques.
La MEP est endroit magnifique mais un peu caché dans ses murs et nous souhaitons aller vers un espace plus ouvert et accueillant pour passer un peu de temps après les expositions, prendre un café en plein air dans la cour, s'arrêter à la librairie qui se verra agrandie, compléter la visite.
Nous avons déjà fait évoluer les lieux d'exposition, en dédiant les sous-sols à un véritable espace pédagogique. Un volet très important pour nous et la Ville de Paris. Le Studio est un autre signal fort lancé à la jeune création.
3. Votre programmation : place à l'émergence avec Ren Hang et Coco Capitàn de véritables phénomènes, des millenials à l'heure de la mondialisation
Quand j'ai annoncé la programmation j'ai souhaité commencer avec une première exposition sur Ren Hang dont l'histoire personnelle est marquée par son suicide récent, qui a eu une influence marquante sur sa génération et la suivante, que ce soit en Chine et en Occident, comme symptomatique de l'impact des réseaux sociaux. J'ai également invité Coco Capitàn de la même génération, qui a seulement 27 ans, a déjà un parcours accompli dans la mode et le luxe et méritait une exposition de cette ampleur.
Nous avons créé aussi le Studio (niveau +1) dédié aux artistes émergents ayant récemment retenu l'attention par un Prix ou un livre. Nous ouvrons notre 2ème volet avec Yingguang Guo qui a remporté le Prix Jimeix Arles-Madame Figaro et lancé un livre magnifique avec une maison d'édition chinoise basée à Paris. J'ai aimé ce lien entre une artiste chinoise et une maison d'édition parisienne, qui incarne à mes yeux cette vocation de défricheurs de talents à Paris à laquelle la MEP peut contribuer. J'ai mené une réflexion sur le manque de visibilité institutionnelle pour de jeunes artistes à Paris. Avoir un premier solo show dans une institution telle que la nôtre est important pour des artistes entre 25 et 30 ans.
4. Pourquoi la scène parisienne reste t-elle majeure ?
Paris est la seule ville au monde à offrir une telle place à la photographie avec pas moins de 4 institutions dédiées (le Jeu de Paume, le Bal, Fondation Cartier Bresson et nous), contre une seule à Londres, 2 à New York, 1 seule à Tokyo, 2 à Amsterdam. En plus nous avons Paris Photo qui reste la foire la plus importante du monde (Photo London ne tient pas la comparaison) de part le nombre de collectionneurs, de musées, de commissaires, d'artistes présents.. C'est la référence. Aucune autre ville au monde n'affiche une telle concentration. Sans parler des foires satellites, Off Print, Polycopies, Approche..
De même pour Arles en terme de festival.
N'oublions pas le soutien et l'apport de l'argent public pour la photographie avec la ville de Paris notamment, qui illustre l'intérêt constant pour la culture photographique à Paris. De plus il y a tout le travail mené par les galeries et de nombreux évènements soutenus par un public engagé. On le mesure bien ici.
5. Place de la collection de la MEP et mise en valeur
La collection de la MEP est un marqueur très fort vis à vis des autres institutions. C'est un peu la mémoire des expositions passées et un fonds très riche peu exposé jusqu'ici. Quand j'ai découvert avant d'arriver ici la collection à Arles il y a quelques années ça a été un choc ! Jean Luc Monterosso a créé une fondation incroyable depuis 30 ans sur laquelle il est peu revenu finalement. C'est devenu comme un trésor caché.
J'ai donc proposé de faire des expositions à partir de notre collection à la MEP et ailleurs. Nous commençons notre 2ème saison avec en parallèle l'américain Henry Wessel et pour rester sur cette vision de film noir, un accrochage conçu avec l'équipe de la collection, autour de cette optique de "Film noir" avec les grands artistes tels que Lewis Baltz, Robert Frank, Robert Adams, Weegee, Helmut Newton..Nous avons toutes ces œuvres magnifiques qui ne demandent qu'à être exposées de nouveau !
Nous projetons également des expositions itinérantes en France et au delà comme actuellement à Aix en Provence au musée Granet avec les archives de Harry Callahan, puis à Madrid à l'occasion de Photo Espana avec le fonds Hervé Guibert et des projets en Chine et ailleurs.
A travers la galerie pédagogique dédiée à un public jeune ou néophyte nous mettons aussi en avant les composantes de la collection. Une dimension fondamentale à nos yeux.
Question plus personnelle : A quand remonte votre 1er choc artistique ?
Après réflexion je pense que mon premier souvenir remonte à mes séjours enfant en Catalogne et cette visite à la maison Dali de Figueras à l'âge de 13 ans environ, vraiment très bizarre. Ces œufs énormes sur les toits, ce taxi avec un mannequin à l'intérieur sous la pluie, un sorte de musée surréaliste dans sa conception. Quand j'ai commencé mes études en histoire de l'art j'ai choisi le surréalisme français avec des photographes comme Man Ray, Brassaï, Boiffard, .. qui continuent à m'inspirer aujourd'hui.