©Xu Zhen ©Tao Hui© Isaac Julien ©Zhan Xiaogang ©Liu Shiyuan ©Zhan Huan ©Cao Fei.
Cap sur la Chine à travers une sélection d'oeuvres majeures de la Collection Louis Vuitton et l'exposition Bentu ("la terre natale") qui rassemble des artistes trentenaires. C'est donc l'ensemble des espaces de la Fondation signée Frank Gehry qui vibre à l'heure de l'Empire du milieu ! Monstre sacré, Ai Weiwei qui bénéficie aussi actuellement d'une exposition au Bon Marché, propose avec son Tree sans feuille, une allégorie de la perte de l'identité à l'heure de la globalisation. Il cohabite avec la spectaculaire sculpture "Cinquante Bras de Bouddha" de Huang Yong Ping sorte d'hybridation du porte-bouteilles de Duchamp et de l'iconographie boudhiste (déesse Guan Yin et ses attributs). Un syncrétisme assumé entre l'Orient et l'Occident, le passé et le présent, la tradition et la modernité, fil rouge qui innerve nombre d'oeuvres présentées. Spectaculaire également le télescopage de Xu Zhen à partir de la réplique de la Victoire de Samothrace "Eternity-Tianlongshan Grottoes Bodhisattva, Winged Victory of Samothrace"qui interroge l'aura artistique et l'iconographie spirituelle, tandis que tout autour Yan Pei-Ming dans un chaos sombre se penche sur le devenir de l'humanité "All Crows Under The Sun Are Black !"et Zhan Huan nous rappelle le caractère éphémère des monuments et de la mémoire avec "Long Island Buddha"immense tête posée au sol et l'utilisation de la cendre dans ses peintures. Zhan Xiaogang (présent également dans la collection de la Société Générale) avec "My Ideal" renvoie aux tensions entre aspirations individuels et projections de la société. Plus subtile, la video de Tao Hui "The Dusk of Tehran" nous parle des contraintes vécues par les femmes dans ce pays. Errances et questionnements d'une génération en prise avec les mutations actuelles chez Yang Fudong avec ces fictions immersives "Tonight Moon (Jin Wan De Yue Liang) sorte de jardin des délices asiatique et "The Coloured Sky, New Women II" inspiré d'un conte chinois du IIIè siècle av.JC où des femmes reprennent les codes du cinéma hollywooddien, brouillant les frontières entre la réalité et la fiction. Moment de transition au RdC avec le britannique d'origine antillaise Isaac Julien, qui ouvre sur la génération montante avec un film polyphonique sublime qui a été pour moi la révélation ! "Ten Thousand Waves" s'inspire d'un fait divers en Angleterre en 2004 quand des sans papiers chinois ont été emporté par la marée alors qu'ils récoltaient des coquillages. Il les place alors sous la protection de la déesse de la mer, Mazu dans une "nostalgie critique" du passé, telle qu'il la décrit lui-même, aux côtés de grandes stars de la vie artistique chinoise. Un charme suranné émerge de ces images dignes de Wong Kar-Waï.
Place à présent aux trentenaires avec et pour la 1ère fois en France depuis 10 ans l'exposition Bentu conçue en collaboration avec le le Ullens Center for Contemporary Art (UCCA) de Pékin. L'on retrouve d'ailleurs certains artistes qui font partie de la Collection.
Une génération protéiforme, prise dans la turbulence de bouleversements sociaux-économiques qui oscille entre modernité et tradition dans une pluralité de médiums issus du multimédia. Des allers et retours constants sur fond de globalisation et d'innovation technologique.
Cao Fei puise son inspiration aussi bien dans le théâtre ou l'opéra que dans la télévision et les mangas et dépasse les frontières communément acquises du monde réel et virtuel, privé et public. Son installation "Strangers" directement inspirée d'un site de rencontres en ligne qui permet de communiquer avec un interlocuteur dénonce la caractère factice et illusoire de tels échanges. Elle met également en scène son avatar sur la plate-forme Second Life dans des vidéos au rythme effréné où se télescopent symboles traditionnels et dérives consuméristes de ses contemporains.
Xu Zhen en parallèle à ses recherches artistiques, est à l'origine de MadeIn Company (ironisant sur le made in China) entreprise dédiée à la production et aussi l'organisation d'expositions. Jouant d'un syncrétisme mondialisé il interroge les codes du marché de l'art et de l'unicité de l'oeuvre. Sa video "Physique of Counsciousness"" reprend les rituels de prières de différentes religions et les codes des arts martiaux pour les détourner dans une parodie du culte contemporain "new age" et "bien-être".
Même sens du détournement chez Liu Shiyuan qui réemploie des incantations radiophoniques autour de la notion de bonheur qu'elle diffuse en continu dans un espace entièrement recouvert de morceaux de tapis mixant une sensation de bulle et de mélange des cultures pas si confortable au final ! Elle se nourrit principalement d'internet, de la télévision et d'objets du quotidien pour distiller un humour ravageur.
Les contes visuels de Tao Hui qui puisent dans la mémoire collective chinoise invitent le spectateur à une expérience sensorielle à la limite du fantastique où il est question du devenir de communautés ethniques traditionnelles.
L'installation multi-écrans de Yang Fudong "Blue Kylin - A journal of Shandong"documente le quotidien de travailleurs dans des carrières de pierres et des conséquences sur l'environnement de telles exploitations. Une dénonciation en noir et blanc subtile sous couvert d'un portrait collectif.
Liu Chuang réalise des performances vidéos dans l'espace public qui interrogent les écarts et déceptions entre les aspirations des individus et la Chine actuelle. Son clip publicitaire "BBR1" (No 1 of Blossom Bud Restrainter) à partir d'un produit conçu par un laboratoire de Pékin pour limiter l'essor des fleurs de peuplier chaque année au printemps, brouille les frontières entre propagande étatique officielle et message commercial.
Mêmes contradictions chez Hu Xiangqian qui ouvre et ferme le parcours avec la très belle video "The Women in Front of the Camera" où une femme danse seule dans l'indifférence d'un parc de Pékin. Ode à la liberté et au destin individuel sur fond d'incertitudes et de doutes.
Infos pratiques :
BENTU, des artistes chinois dans la turbulence des mutations
du 27 janvier au 2 mai 2016
La collection, un choix d'oeuvres chinoises
du 27 janvier au 29 août 2016
Programme d'événements en résonance : performances, cinéma, concerts, rencontres...