Photo : Aurélien Mole.
Sandra Patron, directrice du MRAC a mené tambour battant l'extension du musée, ce qui permet d'offrir une mutation véritable de l'institution, à la fois de l'extérieur avec la façade de Bruno Peinado (mon article précédent) et de l'intérieur en accueillant un dépôt long (5 ans) du CNAP (soit une augmentation de 38% de la collection du musée). Elle y voit trois enjeux majeurs : donner un ancrage historique à la collection relativement jeune, apporter un dialogue avec les pièces existantes au fur et à mesure des accrochages et permettre à un artiste ou créateur d'un autre univers de porter un regard sur la collection.
Cette promenade se place sous le signe de la porosité selon le livre source de Robert Walser, comme un jeu entre rêve et réalité, une métamorphose autour des statuts et propriétés de l'image.
Dès la première salle des sensibilités et générations différentes se confrontent dans un rapport au monde élargi. Le duo Joao Maria Gusmao et Pedro Paiva dessine avec leur ensemble de sculptures de bronze un paysage mental à la limite du paranormal, auquel répondent la vidéo d'Adrien Missika sur l'absurde d'une plage hawaïenne ou le geste inspiré du land art d'Andy Goldsworthy ou Matt Mullican. Un rapport à l'environnement qui rejoint les préoccupations de Carsten Höller autour des manipulations sur le vivant (croisements génétiques).
Une fois ce décor planté et la Cabane de Buren traversée, nous abordons la science fiction ou ce qui y ressemble à travers les observations de lumière cosmique de James Turrell dans le désert d'Arizona (cratère Roden) ou les conteneurs de vie de Guillaume Leblon et les expérimentations de Gérard Traquandi (résinotypes d'un noir profond).
La salle suivante est sans doute la plus magistrale et aboutie, elle incarne le goût de Sandra Patron pour la scène américaine engagée avec l'aigle déchu de Mike Kelley, la scène d'émeute raciale à 180° par Kelley Walker (Black Star Press), les "Poem paintings" de John Giorno, le geste performatif teinté de violence de Jimmie Durham (Almost Spontaneous) auxquels répond le visage noir et singulier de Katinka Lampe, seul portrait dans l'exposition, de pure tradition flamande. Puis Allan Mac Collum et Thomas Bayrle explorent la question du multiple, tandis que Katinka Bock dans une perspective radicale envisage un troisième point d'appui à une sculpture retenue par une lourde pierre comme la métaphore de l'espace d'exposition.
La dernière salle met en jeu la question de la trace, de l'empreinte, de la répétition avec Didier Roth (processus lithographique vécu comme un journal), Alison Knowles l'une des fondatrice de Fluxus oubliée de l'histoire de l'art et ses subtiles objets échoués sur une plage napolitaine ou enfin documentation céline duval avec ses recherches sur la récurrence de stéréotypes et leur possible disparition.
Cette promenade s'achève et laisse en nous un parfum d'inachevé, comme une invitation à aller au delà, à poursuivre l'exploration de cette cartographie transitoire et imaginaire.
Infos pratiques :
La Promenade
Une balade dans le dépôt long du CNAP
jusqu'au 16 octobre 2016
Il faut reconstruire l'Hacienda
Musée Régional d'art contemporain
Occitanie/ Pyrénées-Méditerranée