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Persistance de la tragédie par Yan Pei-Ming à Sète

par Marie de la Fresnaye 16 Juillet 2016, 07:35 Peinture Regions

"Ruines du temps réel" Photo Marc Demange ©Yan Pei-Ming ADAGP, Paris 2016.
"Ruines du temps réel" Photo Marc Demange ©Yan Pei-Ming ADAGP, Paris 2016.
"Ruines du temps réel" Photo Marc Demange ©Yan Pei-Ming ADAGP, Paris 2016.
"Ruines du temps réel" Photo Marc Demange ©Yan Pei-Ming ADAGP, Paris 2016.
"Ruines du temps réel" Photo Marc Demange ©Yan Pei-Ming ADAGP, Paris 2016.
"Ruines du temps réel" Photo Marc Demange ©Yan Pei-Ming ADAGP, Paris 2016.
"Ruines du temps réel" Photo Marc Demange ©Yan Pei-Ming ADAGP, Paris 2016.
"Ruines du temps réel" Photo Marc Demange ©Yan Pei-Ming ADAGP, Paris 2016.
"Ruines du temps réel" Photo Marc Demange ©Yan Pei-Ming ADAGP, Paris 2016.
"Ruines du temps réel" Photo Marc Demange ©Yan Pei-Ming ADAGP, Paris 2016.
"Ruines du temps réel" Photo Marc Demange ©Yan Pei-Ming ADAGP, Paris 2016.
"Ruines du temps réel" Photo Marc Demange ©Yan Pei-Ming ADAGP, Paris 2016.

"Ruines du temps réel" Photo Marc Demange ©Yan Pei-Ming ADAGP, Paris 2016.

Qui d'autre que Yan Pei- Ming pour nous parler d'une tragédie qui se répète, de la persistance de certaines images qu'elles en deviennent trop récurrentes ? A la lumière des événements récents sa peinture combattante revêt une force nouvelle, comme si soudain l'histoire et ses ruines n'en devenaient que trop proches, trop palpables. "Comprendre la puissance de Caravage et basculer immédiatement dans l'histoire contemporaine" déclare l'artiste franco-chinois qui invité par Eric de Chassey à l'occasion des 350 ans de la Villa Médicis s'empare du mythe de la ville éternelle. Au Crac de Sète c'est un retour à ses débuts lors de sa résidence à la Villa St Clair en 1988, sous l'impulsion de Noëlle Tissier alors à la tête des Beaux Arts, avant de devenir la star que l'on connaît aujourd'hui. Noëlle Tissier,qui avant son départ du Crac, institution pour laquelle elle a tant œuvré, entend convoquer les liens tissés avec toute cette scène, comme un dernier hommage, un dernier cadeau qu'elle nous fait. Et ce rayonnement du Crac devenu une référence internationale dans un ancrage local, elle le doit à sa persévérance, ses formidables intuitions et son inlassable générosité. La restauration des peintures murales de Yan Pei-Ming au lycée Charles de Gaule en parallèle avec l'exposition "Ruines du temps réel" pose ce jalon des origines.

Dès le début du parcours nous sommes face à la grande peinture d'histoire : le Caravage, l'ombre et la lumière, la légende et le mystère, le génie et le truand, des contrastes dont se saisit Yan Pei- Ming autour de la figure du martyre de saint Matthieu qu'il transpose par un habile saut temporel à notre époque avec la scène de l'attentat suicide de Benazir Bhutto, première femme élue démocratiquement à la tête du Pakistan qui apparaît dans un axe créé par l'enfilade de 3 salles. Comme pour souligner la persistance de l'image du martyre, sa survivance actuelle dans des tonalités d'une rigoureuse bichromie. Caravage agit comme un "révélateur"qui convoque d'autres souffrances, d'autres tragédies à venir. Et ce n'est qu'un début, toute la progression de l'exposition se joue dans ces renvois, ces clins d'œil, ces perspectives que chacun peut dessiner, convoquer au milieu de ces grands espaces. Puis nous traversons les variations chromatiques d'après le Portrait du pape Innocent X de Velázquez mis en regard avec la veillée du corps de Jean-Paul II. De la puissance de l'Eglise et de la persistance de ses symboles.

Puis le Caravage de nouveau mais cette fois face au grand cinéma italien : Pasolini et son film "Mamma Roma", ce fils devenu fou qui renvoie à Mantegna "Lamentation sur le corps du Christ"(plus tard repris par Dali). Dans la même salle "La découverte d'Aldo Moro" dont le fantôme plane encore sur l'Italie et "Jean Paul II blessé" lors de la tentative d'assassinat de mai 1981 par le turc Ali Agca. Des événements aux rouages encore inexpliqués et qui continuent d'alimenter de nombreuses théories conspirationnistes.

De ce ciel de plomb nous passons à l'agonie du Guide libyen déchu Mouammar Kadhafi ​dont les conditions exactes de la mort restent pour le moins ​obscures malgré le discours officiel. "No comment" titre du diptyque et conclusion qui s'impose. Un macaque du Japon nous lance un regard en guise de rideau de fin.

Autre scène, autre apparition d'un pape, le pape François dont les prières semblent sourdes au triomphe de la barbarie. Même la fontaine de Trévi de la Dolce Vita, autre âge d'or du cinéma, s'est vidée de ses personnages et de son glamour. Les "Ruines du temps réel" peuvent alors surgir. Donnant le titre de l'exposition ce triptyque est le condensé de ce palimpseste de l'histoire qui fascine l'artiste, ces ruines sont à la fois celles de Rome, celles de Palmyre et celles de toute ville traversée par les conflits. Elles en deviennent universelles par le truchement de la peinture.

La tonalité nocturne à cette heure indécise entre chien et loup, participe à cette intemporalité, jusqu'au crescendo de la dernière salle du rez de chaussée aux paysages ravagés. "Nouveau lieu du crime" est cette forêt des origines, celle des mythes germaniques inquiétante et oppressante, on sent l'influence de Gerhard Richter. "A l'est d'Eden" reprend les codes de la peinture hollandaise, comme si Brueghel dit de velours dans une scène animalière paradisiaque se transformait en enfer selon Hieronymus Bosch ! Quant à" l'Aube noire"c'est un peu le Radeau de la méduse transposé à notre méditerranée devenue cimetière à ciel ouvert pour les migrants. Des tragédies en boucle dont le climax est atteint avec l'Ecce homo suspendu dans le vide. Une crucifixion d'une grande audace et maitrise qui indique le chemin à poursuivre au 1er étage.

Des "black birds" et "autres oiseaux" s'y disputent le ciel comme ces avions de chasse américains au temps de la Guerre froide déclinés en série dans des camaïeux de gris qui répondent au sol. On est loin de la légèreté des cathédrales de Monet même si les codes stylistiques sont proches.

La dernière image, ce merle noir sur son fil barbelé est comme le chant du cygne. Une vision sombre sur la folie des hommes et l'obscurantisme triomphant. Magistral !

Infos pratiques :

Ruines du temps réel

Yan Pei Ming

jusqu'au 25 septembre 2016

Centre Régional d'art contemporain Languedoc Roussillon Midi Pyrénées (CRAC)

http://crac.languedocroussillon.fr

Yan Pei-Ming est représenté en France par la galerie Thaddaeus Ropac.

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