Dans le cadre des 100 ans de la mort de Rodin, Anselm Kiefer à l'invitation du musée apporte une relecture de l'œuvre du sculpteur qu'il confronte à ses propres recherches et expérimentations. L'occasion de souligner la très grande influence du maître des lieux sur de nombreux créateurs de la modernité.
Iconoclaste Rodin, l'était à bien des égards et c'est en visitant les réserves du musée que Kiefer tombe sur de nombreux abattis en plâtre, morceaux de bras, de jambe, de pieds qui le fascinent comme le souligne Véronique Mattiussi, commissaire de cette exposition inédite. De nombreux fragments qu'il retrouve aussi dans le nouvel accrochage de l'hôtel Biron. Kiefer entreprend alors un voyage sur les traces des "Cathédrales de France"album publié par Rodin en 1914, avant d'élargir ses investigations à l'ensemble de la grammaire stylistique et créative du maître.
Dans une remarquable exposition en 2014 intitulée "Rodin l'accident, l'aléatoire" que j'ai vu au musée des Arts et d'histoire de Genève sous le commissariat de Laurence Madeline et Antoinette Le Normand, démontrait le rôle de la ruine (très tôt Rodin mêle des Antiquités à ses propres œuvres) et de l'inattendu dans son processus créateur, que ce soit pour la sculpture et les dessins. Rilke son secrétaire, dont la lecture va aussi marquer Kiefer, souligne à propos des Cambodgiennes "il savait non sans raffinement tirer parti des moindres hasards". Ce qui est important de souligner en effet c'est que Rodin parvenu au sommet de sa consécration, continue à essayer des voies nouvelles, telles que la recherche systématique de l'inattendu, le recours à l'agrandissement mécanique qui donne une simplification des volumes et des formes ou l'enveloppement dans du lait de plâtre comme cela est souligné dans la magnifique Absolution, dévoilée au public pour la première fois. "Ces accidents qu'il faut saisir et transformer en savoir" déclarera t-il, comme il le fera avec l'Iris sans tête ou la Méditation sans bras laissant apparaître les coutures du moule. Dès lors il combine un vase antique à un plâtre et bricole tous azimuts, comme on le note dans l'élégant parcours épuré,sans oublier le dessin qu'il ira pratiquer à l'aveugle et exposer avec des tâches ou empreintes de ses doigts (Cabinet d'arts graphiques).
A ces innovations Anselm Kiefer répond à travers une trentaine d'œuvres inédites parsemées en plusieurs lieux, en véritable alchimiste du temps et de la matière : vitrines, peintures, livres, ces matériaux de prédilection étant le plomb mais aussi la cendre, le sable ou la paille, plus inattendus. Des variations en continu où l'accident, le tissu, la sérialité opèrent des rapprochements aussi fascinants que déroutants.
A noter que cette semaine s'ouvre également l'exposition Rodin au Grand Palais.
Infos pratiques :
Kiefer-Rodin
jusqu'au 22 octobre 2017
Centenaire Rodin : site officiel | 100 ans 1917-2017 | Site du ...
Exposition itinérante qui part à la Fondation Barnes (Philadelphie) en novembre 2017.