Numa Hambursin préfère la liberté à la compromission. L'annonce de son départ le jour du vernissage de Jonathan Meese a jeté le trouble parmi les journalistes et personnalités présents. Je le rencontre quelque temps après et il commence par m'offrir son ouvrage tout juste publié aux éditions de La Chienne, "Journal d'un curateur de campagne". L'occasion de revenir sur les grandes étapes de sa formation auprès de sa mère tout d'abord, Hélène Trintignan qui a dirigé pendant 40 ans une galerie de référence, à Paris ensuite, tout en restant viscéralement attaché à cette terre occitane et ses environs du Pic St Loup qui ont façonné des générations d'artistes à commencer par Frédéric Bazille, l'enfant prodige du pays.
C'est lorsqu'il est nommé à la direction artistique du Carré Ste Anne, ancienne église néogothique désacralisée et transformée en espace d'exposition que Numa saisit sa chance et impose une ligne d'une grande rigueur et amplitude formelle allant d'Hervé di Rosa, Robert Combas, Gérard Garouste mais aussi Abdelkader Benchamma Chiharu Shiota, JonOne, Manuel Ocampo,tous de générations et d'horizons très différents. Cet éclectisme revendiqué et anticonformisme chevillé au corps le poussent à présent à la rupture d'avec les autorités en présence, alors que nombreux se reconnaissent dans sa sensibilité et goût du défi. Jonathan Meese dans sa démesure incarne cette conception que l'art survit à tout et dépasse toute emprise idéologique ou politique.
Un projet atypique et grandiose qui repousse une fois encore les limites du lieu. Sorte d'opéra rock trash et punk où les enfants de Kubrick jouent les profanateurs du religieux dans une vision totalitariste et apocalyptique, tour à tour grinçante et burlesque. Il a fallu de nombreux camions pour transporter de Berlin ce joyeux bric à brac cabalistique mais cet apparent désordre cache un projet rigoureusement pensé où chaque détail à sa place. Culture populaire et références livresques, légendes mythiques et intuitions enfantines, spontanéité et préceptes philosophiques se côtoient dans un joyeux foutoir aux allures de récit labyrinthique doux amer. Faire table rase du passé pour se projeter vers l'avenir. Déboulonner les icones et inscrire sa propre destinée, quitte à en payer le prix. Il semblerait que le message rejoigne en tous points le clap de fin tonitruant et chevaleresque qu'a choisi Numa Hambursin pour voguer vers de nouvelles aventures...
Infos pratiques :
Jonathan Meese
Dr. Merlin de Large (Marquis Zed de Baby-Excalibur)
jusqu'au 30 avril 2017
Carré Sainte-Anne
Catalogue (le dernier d'une belle série !) aux éditions Liénart, 64 pages, bilingue Français/anglais : 20 €