Longtemps occulté par l'art africain, asiatique ou océanien, l'art malgache prend sa revanche grâce au musée du Quai Branly qui propose la première exposition artistique sur l'île depuis celle organisée par le musée de l'homme en 1946.
Rassemblant quelques 360 pièces Aurélien Gaborit commissaire de l'exposition et responsable des collections Afrique au musée, souligne un art délicat qui ne demande qu'à s'apprivoiser mais ne s'impose pas. Mêlant pièces ethnographiques, archéologiques et créations contemporaines, l'idée est de couvrir près de dix siècles d'histoire marquée par de nombreuses invasions et métissages venus d'Asie du Sud Est, d'Inde, d'Afrique de l'est, d'Arabie ou d'Iran. Ces migrations successives vont permettre le développement de comptoirs commerciaux florissants au 13ème siècle et l'avènement de royaumes qui se heurteront par la suite aux colonisations anglaises et françaises. Des guerriers mohara attestent de cette résistance avant que le pouvoir colonial ne les prive de leurs armes et attributs symboliques.
Si l'art de Madagascar est fortement imprégné de la présence coloniale, avec l'ouverture d'une école des Beaux Arts en 1922 à Antananarivo sur le modèle français, peu à peu les Ateliers des Arts Appliqués Malgaches entendent se libérer des goûts européens même si après une période de succès ces productions seront jugées comme artisanales.
La photographie fait son apparition sur île dès 1856 à travers le révérend William Ellis et après une relative méfiance, devient objet de toutes les convoitises. Une photographie officielle s'impose avec l'arrivée des missionnaires scientifiques, qui recensent les habitants au même titre que la faune ou la flore ! Puis pendant la période coloniale la photographie devient plus élitiste et sélective, réservée à une clientèle aisée.
Une fois posées ces facteurs qui permettent de mieux appréhender les productions artistiques de la Grande Ile, nous basculons dans le "monde des vivants" soit l'architecture domestique, les objets utilitaires, la vannerie, la parure, ..avec des artefacts de qualité variable. Il est important de noter toutefois que c'est le zodiaque malgache, le vintana qui régit toute la vie quotidienne et déroulement des rituels.
Puis l'on pénètre dans la partie la plus intéressante, le monde des morts.
Les Malgaches sont hénothéistes, ils reconnaissant un seul dieu mais personnifié par de nombreux esprits.
Objets personnels à vertu prophylactiques : coquillages felana, cuillères richement ornées, bijoux pour les guerriers, textiles pour envelopper les morts.
Certains charmes sont dotés d'une réelle puissance : amulettes ody, talismans sampy, remède mohara, le tout dispensés par l'ombiasy, devin et guérisseur.
Ces pièces sont le fruit d'un assemblage surprenant d'origine animal, minéral et végétal. De magnifiques exemples sont montrés comme cette ceinture de circoncision pour jeunes gens de sang royal à valeur de reliquaire.
Les perles ont aussi une symbolique très codifiée, placées sur les parties les plus sacrées du corps, leur matière et couleurs répondent à des valeurs précises. Le noir pour la puissance, le rouge pour le pouvoir et le blanc le sacré. Un fascinant collier de 120 pièces est exposé à caractère éminemment magique.
C'est surtout dans l'art funéraire que les malgaches excellent en raison du culte rendu aux ancêtres et au signe ostentatoire des tombeaux choisis. Réussir sa mort est une véritable obsession. La dernière salle du parcours nous en offre un très bel aperçu. Comme une apothéose avec ces sculptures d'un grand raffinement : ces poteaux funéraires, les aloalos, zoomorphes ou anthropomorphes d'une réelle inventivité pour mettre en valeur la réussite sociale du défunt.
Le zébu omniprésent, renvoie à la richesse du bétail et au nombre de bovins sacrifiés en l'honneur des ancêtres.
L'artiste contemporain Jean-Jacques Eifieambelo redonne une nouvelle vie à ces poteaux funéraires en les parant de couleurs et de scènes savoureuses volontiers anachroniques.
Le photographe Pierrot Men qui ouvre le parcours donne aussi l'image d'une culture vivante même s'il est difficile pour de nombreux artistes malgaches de vivre de leur art, en témoigne le documentaire "Mada Underground". Une précarité qui s'explique par le peu de débouchés à l'international comparativement à d'autres continents. Patience...
Infos pratiques :
Madagascar,
arts de la grande île
jusqu'au 1er janvier 2019
Musée du Quai Branly Jacques Chirac
Tarifs expositions temporaires :
Plein tarif : 10,00 €
Tarif réduit : 7,00 €
Fermé le lundi.