SANAA architects. Homère, Auguste Leloir, 1841, Musée du Louvre. La querelle d'Achille et d'Agamemnon MUDO Beauvais.
Mais a t-il réellement existé ? C'est l'une des questions passionnantes que plante
l'exposition du Louvre Lens qui se penche sur la fascination exercée par l'aede à
partir de 250 œuvres de provenance du Louvre bien entendu mais aussi du musée
d'Orsay, du Centre Pompidou, du Domaine de Versailles, de nombreux musées en
province et en Europe : Angleterre, Grèce, Italie et Suisse. L'idée est de confronter
les objets antiques avec des œuvres de divers époques y compris contemporaine :
sculptures, moulages, tapisseries, peintures englobant le cinéma, la musique et
la BD.
Cy Twombly ouvre le parcours aux côtés d'une assemblée des dieux majestueuse
avec notamment la muse Polymnie "celle qui inspire les artistes"évoquée par
Homère au début de l'épopée.
Nous abordons la question de l'image d'Homère, encore énigmatique, est-il une
construction voulue par les Anciens ? Son apparence physique, cécité, ont fait
l'objet de plusieurs versions. De plus l'oralité de l'Iliade et l'Odyssée et le caractère
anachronique des poèmes et des héros en renforcent l'aura.
Puis nous pénétrons dans l'Iliade, avec comme introduction une remarquable
fresque descriptive des protagonistes. Le héros central Achille est le plus valeureux
des guerriers grecs. La guerre est omniprésente dans ce texte avec un grand souci
du détail. Exceptionnel guéridon dit du Bouclier d'Achille conservé au Château de
Versailles constitué de 10 000 tons de mosaïque (Fabrique Vaticane) offert par le
pape Léon III au Roi de France.
Nombreux sont les artistes à avoir été inspirés par ces héros qui n'en demeurent
pas moins humains. Rubens : Hector tué par Achille, Giaovan Battista La querelle
d'Achille et d'Agamemnon, la colère d'Achille devant la mort de Patrocle et ses
funérailles, les émotions face à la mort sont exaltées. Signalons également les
céramiques comme ce médaillon d'une coupe à figures rouges représentant
Achille humiliant le corps d'Hector (musée du Louvre, vers 490 av JC).
Hélène reste distante et mélancolique chez Gustave Moreau face à ce théâtre de la
déraison.
Arrive l'Odyssée, l'autre versant du récit mythique. Monstres, sirènes (Marc Chagall),
Cyclope, pièges et épreuves multiples sont tendus au héros. De Circé
(John William Waterhouse) à Calypso, Nausicaa et Pénélope (Bourdelle) les figures
féminines prennent leur revanche dans ce récit initiatique.
Le retour à Ithaque et le défi tendu par Pénélope de l'épreuve du tir à l'arc inspire de
nombreux artistes comme Le Primatice ou Derain ainsi que le fameux massacre des
prétendants orchestré par Ulysse et son fils Télémaque (cratère à
figures rouges et Gustave Moreau). Admirable tableau de Boulanger
(Beaux Arts de Paris) d'Ulysse reconnu par sa nourrice Euryclée.
Les poèmes du cycle sont évoqués à travers le jugement de Paris
(manufacture des Gobelins d'après Raphaël) et le piège du cheval de Troie,
emblème graphique de l'exposition.
Une partie intéressante concerne le fantasme développé depuis l'origine autour
d'Homère que ce soit Alexandre le Grand, Montaigne ou Victor Hugo tous se
réclament de son savoir-vivre et ses valeurs. Dès l'Antiquité et jusqu'au XIXème
siècle, une riche clientèle part ses intérieurs d'objets dans le style du poète jusqu'à
créer une véritable homéromanie, encouragée par les archéologues eux-mêmes.
La figure d'Heinrich Schliemann et ses fouilles en quête de traces de la guerre de
Troie donnent l'exemple, repris par Victor Bérard qui va développer cette
cartographie odysséenne accompagné du photographe Frédéric Boisonnas.
Avec le cinéma et la musique l'homéromanie poursuit sa course avec Kirk Douglas
dans Ulysse (1954) ou Brad Pitt dans Troie (2004), ou les compositeurs Claude
Debussy ou Monteverdi et d'autres que l'on peut entendre à différents moments
du parcours.
Petite parenthèse humoristique nourrie par la BD, la gravure (Daumier) ou la publicité
qui reprennent volontiers des expressions de nos héros.
Dernière image très onirique : l'immensité de l'eau et son murmure.
Comme une invitation à faire le voyage.