Très bonne question de départ. En effet cet imposant chantier demandait la mise en place d’une vraie méthodologie de travail. J’ai donc été invitée par Muriel Enjarlan, directrice du CRP/ à découvrir cette collection de plus de 9000 tirages que j’ai d’abord regardé dans son ensemble pour ensuite procéder à des critères de recherche. L’un d’entre eux a été possible grâce à la découverte du travail du photographe belge Christian Meynen qui avait effectué une commande dans le cadre de la Mission Photographique Transmanche (mutations liées à la construction du Tunnel sous la Manche) passée par le fondateur du CRP/ Pierre Devin et l’association du CRP/, qui n’avait pas été sélectionnée au final. Ce travail était resté pendant presque 30 ans dans une boîte. Je me suis posée la question de ce que cela représentait pour un photographe d’avoir réalisé un important travail de commande finalement non diffusé pour des critères de choix artistiques. A partir de ce fil est venu l’idée d’inédits de la collection avec une méthode de travail assez drastique, en lien avec la chargée des collections avec comme première question : quel artiste n’avait jamais été exposé au CRP/ ? Je me suis donné une contrainte supplémentaire de situer le travail des photographes dans l’histoire de la photographie, certains ayant continué ou arrêté leur pratique. Il fallait ensuite à partir de Christian Meynen ou d’Anthony Haughey et son travail autour de la
communauté catholique de Dublin (série Home) dans les années 1990, étoffer cette recherche autour de ces problématiques de déclassement et de récession de villes industrielles, pour arriver à un corpus suffisant, tout en prenant en compte les contraintes du lieu en terme d’espace et de configuration. Je me suis vite aperçue que dans mes choix la photographie en noir et blanc revenait fréquemment ce qui exigeait que j’articule un accrochage qui offrait d’autres formes de ponctuation en couleurs.
Revenons sur la générosité et le regard du fondateur du CRP/ Pierre Devin, à travers les commandes passées aux photographes et les workshops dont vous avez tenue à exposer des exemples.
Pour moi qui ai commencé en galerie, le métier est assez proche. Un commissaire d’exposition va réfléchir sur un projet, rencontrer des artistes et suivre le processus d’une exposition de A à Z. Un commissaire indépendant est en charge de beaucoup de postes comme en galerie. Ce métier a beaucoup évolué et l’on se rend compte que de nombreuses
personnes oscillent comme moi entre salariat et indépendance.
3. Quelles évolutions avez-vous remarquées récemment dans le champ photographique ?
Ce que je remarque est un fort intérêt pour les pratiques historiques de la photographie. Comme l’artiste américaine que je suis depuis longtemps, Alison Rossiter qui travaille la photographie sans prise de vue, autour de papiers photographiques des années 1910 qui ont perdu leur procédé chimique. Elle ne va travailler que dans les bains révélateurs, ce qui offre
un résultat fascinant totalement abstrait ou faisant strictement référence à des paysages de Weston, magnifiques !
Il y a aussi beaucoup de photographes qui interviennent directement sur la photographie comme le photographe américain d’origine allemande, Marco Breuer qui va gratter, déchirer son négatif.
Ces techniques singulières m’intéressent particulièrement tout comme la photographie d’archives.
4. Quels sont prochains projets ?
Cela remonte à ma maîtrise d’esthétique, un moment où se pose le choix entre passer le concours de conservateur, devenir critique et écrire pour la presse dédiée ou travailler en galerie. J’ai fait ce choix et poussé la porte de la galerie Zabriskie rue Quicanpoix qui défendait des artistes fascinants, des surréalistes, Man Ray, Duchamp, Claude Cahun, Joan Fontcuberta.. et depuis j’ai continué dans cette voix.
Inédit(s) dans la collection du CRP/
jusqu'au 18 août