Picasso maniaques ?

@Chéri Samba @Robert Colescott @David Hockney @Francesco Vezzoli @Faith Ringgold, Picasso.mania.

Alors que la Coiffeuse (1911) du maître fait son grand retour au Centre Pompidou après une expédition rocambolesque outre-atlantique, l'institution de Beaubourg associée au Grand Palais, la RMN et le musée Picasso-Paris orchestrent une relecture du rôle joué par Picasso auprès des générations suivantes à l'aune du Pop et du minimalisme. Alors que la doxa ambiante rendait inconciliable la fidélité à Duchamp et Picasso, de nombreux artistes des années 60 tentent un compromis qui aboutira à une véritable sortie de purgatoire dans les années 80. Cette réhabilitation nous viendra de Suisse (Bâle, Kunstmuseum), d'Angleterre (Royal Academy "New Spirit in Painting") et des Etats Unis (MoMA) portée par Frank Stella, Jasper Johns, Roy Lichtenstein puis Andy Warhol dans un dialogue assez ambigu au départ. C'est la problématique réception de l'oeuvre du maître catalan que réévaluent les quelques 400 oeuvres rassemblées dont une centaine de Picasso dans une optique résolument contemporaine. Le titre volontairement accrocheur "Picasso.mania" interroge la postérité dans notre imaginaire collectif de celui qui incarne bientôt la star system que l'on connait, "connu dans tous les pays,toutes tranches d'âge et revenus confondus, quel que soit le sexe et l'environnement culturel"d'après les tests effectués.

Mais la question que pose cet ambitieux panorama est de savoir s'il est encore aujourd'hui considéré comme un peintre contemporain par ses pairs. La réponse est oui et on le savait déjà, favorisée par le tournant des pratiques artistiques actuelles, la montée en puissance de la diffusion de masse et la reproductibilité de l'oeuvre à l'ère d'internet et des réseaux sociaux. Pour cela les "Demoiselles d'Avignon" acte de naissance moderniste ethnocentré et masculin mais incarnant une porosité nouvelle entre le maître et son modèle se verra réhabilité par des artistes se réclamant d'une approche non occidentale et multiculturelle, tel Robert Colescott "Les Demoiselles d'Alabama", la sud africaine Marlene Dumas, la franco-gabonaise Myriam Mihindou ou l'afro-américaine Faith Ringgold qui y voient une appropriation et reconnaissance de l'art africain traditionnel et un impact moral. Autre icône, "Guernica" régulièrement brandie par les activistes, que ce soit au moment de la guerre du Vietnam, des luttes raciales "African Guernica" de Dumile Feni ou plus récemment lors de conflits au Moyen Orient (sublimes Adel Abdessemed "Who's Afraid of the big bad wolf ? et Goshka Macuga "The nature of the Beast").

Même si certaines confrontations sont à la limite du caricatural (Maurizio Cattelan en ouverture et George Condo en clotûre) d'autres approches plus subtiles réservent de belles surprises, telle la video de la néerlandaise Rineke Dijkstra autour des réactions d'adolescents devant "la Femme qui pleure" jamais nommée directement ou la suite des "Quatre Saisons"de Johns, l'épisode du slip kangourou exploité par Kippenberger restant plus anecdotique.

Au final, on se régale finalement plus devant les installations multi-focales reproduisant les accrochages de Picasso dans ses ateliers mêlant objets d'art primitif et toiles ; ça c'est du Picasso !

Infos pratiques :

Picasso.mania

jusqu'au 29 février 2016

Grand Palais

MOOC Picasso : inscrivez-vous dès maintenant !

Catalogue aux éditions RMN/Grand Palais, 340 pages, 49€

programmation culturelle associée.

A partir du 20 octobre, exposition anniversaire ¡ Picasso ! au musée Picasso-Paris