Les ritournelles grinçantes de Thomas Schütte à la Monnaie de Paris

©Thomas Schütte, Adagp Paris 2019.

"Trois Actes" titre de la rétrospective de la Monnaie de Paris, renvoie à la pièce de 1982, acquise par le Centre Pompidou comme pour dire les liens qui unissent Thomas Schütte à la France, où il est entré dans ses premières galeries, Philipp Nelson à Lyon et Pietro Sparta à Chagny, a bénéficié de plusieurs expositions (Grenoble, Nîmes, Paris) et du soutien de grands collectionneurs comme Anne-Marie et Marc Robelin, Anne Dias ou François Pinault. La première œuvre qui ouvre le parcours "Maison de cristal" à multiples niveaux de lecture, plante le décor de ce qui va suivre. A la fois observatoire sur le paysage environnant, scène de théâtre ou coquille zen, le spectateur est placé au coeur du dispositif et des enjeux à venir.

Maniant avec brio une large palette de matériaux, d'échelles et de styles le maître rhénan peu bavard, Lion d'Or à la Biennale de Venise de 2005 et ancien élève de Gerard Richter reste en rupture avec l'art minimal et conceptuel de sa génération, pour se tourner vers la figuration. Artiste-architecte il a créé sa propre fondation, "Skulpturenhalle" à Düsseldorf où il invite régulièrement d'autres artistes qu'il admire. 

Le parcours s'articule autour de 3 thématiques : muses et héros, l'autre et l'au delà et du modèle au monument. Fait inédit, Camille Morineau, directrice des expositions et des collections de la Monnaie et commissaire a décidé d'exposer le laboratoire de formes miniatures, au stade de l'ébauche, les "Modelle" qui permettent de rentrer dans le processus créatif de l'artiste.

Les stéréotypes masculins et féminins sont explorés par ces masques grimaçants auxquels il nous a habitué, en hommage au carnaval bâlois et à la caricature française du XIXème siècle. "Ennemis Unis", "hommes sans têtes" que l'on retrouve monumentaux, dans les cours extérieures de la Monnaie, tandis que les "Femmes" lascives sont aux prises avec les conventions de la société. Des anti héros qui figurent à une autre échelle, dans le petit théâtre de pâte à modeler (celle de ses enfants), "La Vie de Mohr" artiste peintre et ses collectionneurs. Ces scénettes grinçantes héritées du pantomime singent les lois du pouvoir et du milieu de l'art. 

L'autre et l'au delà se construit autour de la maquette de sa propre tombe sur laquelle il avait fixé sa mort au 25 mars 1996. A partir de cette constante surgissent des masques funéraires en céramique émaillée dont l'un est agrandi et placé à l'horizontal, visage tourné vers le haut ruisselant d'émail. Comme un cri qu'accompagne une série d'aquarelles de roses, Des "fleurs pour Konrad", en hommage à son premier galeriste allemand, le tout dégageant une grande nostalgie. Les familles d'urnes funéraires en céramique ou de nains de jardins en verre de Murano placées les unes sur les autres signalent aussi une domination et voix étouffée. Avec le dernier volet autour de la question de l'architecture, il a l'art de passer d'une première esquisse à partir d'une boîte d'allumettes à une maquette très précise du bâtiment qu'il soit un musée, parc de loisir, ou "maison de vacances pour terroristes", difficile toujours de démêler le vrai du faux ! 

Ainsi du tragique à la méditation, du sublime au trivial, du masculin au féminin, du processus mécanique au geste de l'artisan, du bronze à la terre, Thomas Schütte qui est décidément là où l'on ne l'attend pas pour reprendre une phrase de la commissaire, nous invite à une traversée des possibles d’une grande puissance, entre émotions et dérision. 

Infos pratiques :

Thomas Schütte,
Trois Actes
Jusqu’au 16 juin 2019

Monnaie de Paris

11 quai de Conti

Tarif plein : 12 €

Du mardi au dimanche de 11h à 19h
Nocturne le mercredi jusqu'à 21h

Catalogue, éditions Snoeck/La Monnaie, 34€ en vente sur place

Création spéciale pour la Boutique (médailles)

/www.monnaiedeparis.fr/