Errances et dérive de l'image avec Daido Moriyama et Fernell Franco à la Fondation Cartier

©Daido Moriyama Tokyo Color, 2008-2015 & Dog and Mesh Tights, 2014-2015 Courtesy of the artist / Daido Moriyama Photo Foundation ©Fernell Franco collection privée.

Le set complet de Farewell Photography de Daido Moriyama avait créé l'événement lors du dernier Paris Photo. L'on retrouve ce génie de l'instantané cette fois en couleur à la Fondation Cartier qui propose une nouvelle exposition magistrale, après celle de 2003, rassemblant des images du quartier de Shinjuku à Tokyo et un diaporama spécialement conçu pour l'événement "Dog and Mesh Tights", pour les nostalgiques du noir et blanc. Deux pratiques qui correspondent à des états d'esprit différents lors de ses errances dans la ville. "Le noir et blanc exprime mon monde intérieur, la couleur exprime ce que je rencontre sans aucun filtre"résume t-il. Le flux, l'inhabituel, les murmures de la ville, la sueur et les larmes, la violence et la fragilité, le désir et ses caprices, font de ces balades tokyoïtes quelque chose d'unique entre le journal de bord, la traque policière et le story telling cinématographique. Des fulgurances qu'il traque frénétiquement comme un auteur de roman noir qui cultive les cadrages instables, flous et pris sur le vif. L'on songe à Weegee, William Klein mais aussi Jack Kerouac ou Raymond Chandler pour l'ancien assistant du grand photographe Eikoh Hosoe connu pour sa collaboration avec l'écrivain Yukio Mishima. Une préférence pour les déjantés et les paumés, des fragmentations et collages dans le récit, une violence brute et un érotisme pulsionnel : les ingrédients d'une nouvelle réussie transposés à l'image. La vraie surprise surgit derrière le rideau avec l'installation sonore "Dog and Mesh Tights" captée pendant près de 9 mois dans différentes métropoles qu'il a traversées Hong Kong, Los Angeles, Tokyo, Taipei, Arles, Houston. Bruissements urbains, rock n'roll, paroles, chuchotements, nous plongent dans une immersion totale. Sensuelle et subversive.

Figure moins connue de la photographie sud-américaine, le colombien Fernell Franco partage l'affiche de cette nouvelle saison. Photoreporter autodidacte il documente les contrastes de la ville de Cali où émerge une scène artistique dynamique au début des années 1970. Sur fond de violence, d'inégalités sociales, de marginalisation et de mutations urbaines il invente un style métaphorique propre empruntant à la publicité, au cinéma et à la peinture, qui le distingue de l'approche documentaire de ses contemporains. Des prostituées rejouent la sérialité de Warhol ou la chronophotographie de Muybridge, tandis que des ballots ficelés dans la toile sur les étals de marché deviennent des momies ou reliquaires mortuaires. Cette relecture de l'histoire de l'art matinée de saveurs populaires (la salsa, les maisons closes, les billards) et des contrastes de lumière et d'ombre dans le centre de Cali donnent à ses clichés une valeur subjective et singulière. En hommage à l'artiste, Oscar Munos membre également du groupe de Cali a réalisé une installation commandée par la Fondation.

Un autre marcheur qui partage de nombreux points communs avec Daido Moriyama entre humour, tragédie et nostalgie. Plongez dans ces pulsations dans plus attendre !

Infos pratiques :

DAIDO MORIYAMA

Daido Tokyo

et

FERNELL FRANCO

Cali Clair-obscur

Jusqu'au 5 juin 2016

http://fondation.cartier.com/

Soirées Nomades et Programmation Jeune Public en résonance.